Commentary on the commensurability of the anti-corona measures taken (French)

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Commentaire concernant la question de la commensurabilité des mesures anti-Corona

http://epistoa-community.eu/epistoa-magazine/european-values-european-future/commentary-regarding-the-commensurability-of-the-anti-corona-measures

Priorité à la protection de la santé et à la vie avant et pendant la crise du Corona en Allemagne

Prends ce que tu veux, et paie ton prix. Ce proverbe est habituellement destiné à aider une personne ayant à choisir entre plusieurs options. Il peut être transposé à notre société confrontée au coronavirus. En effet, nous devons non seulement choisir le prix que nous voulons payer pour gérer la crise, mais également nous mettre d’accord sur la question de savoir qui doit le payer.

Dès la première étape qui consistait à déterminer ce que nous voulions obtenir, il y a eu un manque criant de clarté. Tout d’abord, il a été dit que le système de santé ne devait pas être saturé, que chacun devait pouvoir disposer d’un lit en soins intensifs si nécessaire. Ce jugement a été fait sans aucune discussion sérieuse concernant les coûts impliqués. Outre les dépenses en traitements, négligeables dans ce contexte, les coûts en Allemagne s’élèvent à présent à 6 millions de chômeurs, des vies détruites, de soi-disant programmes d’aide de l’ordre de centaines de milliards. Il est vrai que ces coûts ne sont pas seulement dus aux décisions prises par nos gouvernements, mais sont également causés par les mesures de confinement prises en Europe et dans d’autres pays. Mais les coûts sociaux - les parents qui ne parviennent pas à concilier la prise en charge de leurs enfants avec leur vie professionnelle, les élèves qui n’apprennent plus pendant des mois, les enfants qui ne peuvent pas jouer dehors ou avec d’autres, les personnes victimes de violence domestique - sont dus uniquement aux décisions prises dans notre pays.

Tout cela a déjà été payé - la question de savoir si le prix était approprié n’a plus lieu d’être. Mais la question demeure de savoir comment nous allons procéder maintenant que l’objectif - un lit en soin intensif pour tous - a largement été atteint, et quel prix nous devons continuer à payer.

À présent, l’objectif semble être que plus personne ne meure du Corona. En effet, il a été démontré que même avec un traitement optimal, on ne peut pas exclure la possibilité de décès. Quel en est le coût ? Si nous voulons atteindre cet objectif, nous pouvons essayer d’éradiquer le virus par le biais d’un confinement et d’une protection encore plus stricts. Comme l’ont démontré les virologues Christian Drosten et Hendrik Streeck (auteur de l’étude Heinsberg) cela n’est pas réaliste pour un pays tel que l’Allemagne, situé au centre de l’Europe, et vivant du commerce et des échanges avec d’autres pays, ce virus étant facilement transmissible. Nous connaissons à présent les coûts si l’on continue de recourir au confinement pour empêcher la propagation du virus et éviter des décès. Les hommes politiques interrogés sur les possibilités de reprise du confinement assènent toujours les mêmes paroles : la santé et la vie sont une priorité absolue. Il n’y a pas lieu de se demander qui doit payer les frais ni quelles sont les conséquences sociales, car les biens les plus élevés, la vie et la santé, sont en jeu. Cet objectif doit être soutenu à n’importe quel prix, cela ne se discute pas.

C’est une certaine façon de procéder. Mais est-ce vraiment selon ces principes que les décisions en matière de santé publique ont été prises par le passé et jusqu’à aujourd’hui ?

Voici un aperçu des problèmes de santé en l’Allemagne : chaque année 57 000 personnes sont atteintes d’un cancer du poumon*, environ 46 000 en meurent et 9 000 autres meurent de la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive). Les causes principales sont le tabagisme et la pollution de l’air. Dans notre pays, il n’existe toujours pas d’interdiction totale de la publicité pour les produits du tabac. On peut lire dans les journaux que les efforts actuels du gouvernement allemand pour parvenir à une interdiction à long terme n’aboutissent pas. Notre gouvernement a cédé au lobby du tabac pendant des décennies - tout récemment en refusant de réglementer l’interdiction de fumer dans les restaurants en se fondant sur la sécurité au travail et donc par une loi fédérale. Quelles mesures ont été prises pour éviter que les jeunes ne deviennent toxicomanes ? Il n’est pas nécessaire d’entrer ici dans les détails concernant le manque de moyens mis en œuvre pour réduire la pollution aux particules fines.

Environ 940 personnes meurent chaque jour (!) de maladies cardiovasculaires - les causes connues de certaines de ces maladies, outre le tabagisme, sont l’obésité, une mauvaise alimentation, le diabète et le manque d’exercice physique. Que fait-on pour apprendre aux enfants à manger sainement ? Quel type d’éducation sportive nos enfants reçoivent-ils, quel est l’état des salles de sport ? Les piscines ont été fermées parce qu’il n’y a pas d’argent pour les faire fonctionner. Ce n’est que récemment que le gouvernement fédéral a proposé une loi pour interdire le sucre dans les boissons pour enfants, etc.

Chaque année, 10 000 à 20 000 personnes meurent en raison des germes hospitaliers résistants aux antibiotiques. Les Pays-Bas montrent que cela peut être évité. Les mesures nécessaires n’ont pas été jugées économiquement réalisables en Allemagne.

Chaque jour, 200 à 300 personnes meurent d’un accident vasculaire cérébral. Où se trouvent les dispositifs de traitement des accidents vasculaires cérébraux qui permettent une prise en charge rapide ? Combien de temps faut-il aujourd’hui, même dans les grandes villes, pour qu’une ambulance arrive en cas d’accident vasculaire cérébral aigu ?

Chaque année, environ 3 000 personnes meurent dans les accidents de la route, soit 8 à 9 personnes par jour, environ 182 sont gravement blessées chaque jour, 887 légèrement. Les causes principales sont : la distance de sécurité insuffisante entre les véhicules et une vitesse de conduite excessive. Qu’ont fait nos gouvernements ces dernières années pour réduire ces chiffres ? Notre ministre des transports veut retirer les nouvelles sanctions contre les excès de vitesse de plus de 20 km/h en agglomération, même pour la première infraction, en raison d’une pétition en ligne lancée par des automobilistes. On peut très bien rouler à travers Berlin à 71 km/h sans se faire prendre - la première infraction signifie seulement que l’on a été repéré par un radar pour la première fois. Combien de vies et combien de problèmes de santé sont sacrifiés au profit du culte de la vitesse sans que les coûts réels soient divulgués ?

La liste des possibilités non coûteuses et inexploitées pour aider à prévenir les décès et les maladies est encore longue. Ici, rien n’a été fait selon le principe que « la vie et la santé des gens sont prioritaires ».

C’est une des deux facettes du problème. L’autre concerne les coûts du système de santé qui doivent être payés par l’assurance maladie.

Par le passé, on a toujours évalué le coût du traitement des maladies. Non seulement nous l’avons fait mais nous devons le faire, car nos ressources sont limitées, même si nous agissons comme si elles ne l’étaient pas. Alors pourquoi faisons-nous subitement tout ce que nous pouvons, et plus encore (les coûts sont reportés vers l’avenir par le biais de la dette) pour que personne ne meure d’une maladie infectieuse ? Une maladie avec un taux de mortalité d’environ 0,3 % pour l’ensemble de la population ***. Cela peut-il encore s’expliquer de manière rationnelle ? Quoi qu’il en soit, cette politique ne concorde pas avec les autres décisions et actions de notre gouvernement. Il n’est donc pas étonnant que les théories du complot soient en plein essor. Pourquoi les gens ont-ils plus peur de tomber malades du Covid 19 que d’être blessés d’un accident de la route, même les piétons ? Aurons-nous à nouveau un confinement à la prochaine épidémie de grippe, si le taux de surmortalité est estimé à 25 000 décès (taux estimé pour l’hiver 2017/2018) ? Ou bien 25 000 sont-ils trop peu, réagissons-nous à partir de 50 000 ? Ou déjà à 10 000 ? Établissons-nous également des critères tels qu’un maximum de 50 personnes nouvellement infectées par semaine pour 100 000 habitants pour prendre des restrictions supplémentaires ?

Aujourd’hui, nous connaissons suffisamment bien le virus pour parvenir à contenir l’épidémie sans mesures de restriction majeures, et conformément à l’objectif initial : empêcher l’effondrement du système de santé. La première chose dont nous avons besoin pour cela est de bien informer les gens : chacun doit savoir ce qu’est un virus et comment il se transmet et pourquoi le fait de limiter les contacts et de garder ses distances contribue à ralentir la propagation et donc à faire gagner du temps au système de santé. Mais chacun doit aussi savoir que pour les personnes en bonne santé, le risque de contracter ou de mourir du Covid 19 est proche de zéro. Et que les personnes âgées, elles aussi, ne présentent des risques de complication ou de décès que lorsqu’elles sont déjà malades. Pourquoi les médias insistent-ils sans cesse sur le fait que les jeunes peuvent aussi tomber malades ou mourir du coronavirus ? Serait-ce pour que la part de la population ayant à faire face aux conséquences sociales et économiques accepte les mesures draconiennes ? Pour que les gens aient peur et acceptent toutes les restrictions ? Dans la tranche d’âge des personnes allant de 5 à 44 ans, environ 390 personnes meurent quotidiennement de maladies cardiovasculaires, n’a-t-il jamais été jugé utile de le signaler ?

Si nous informons suffisamment la population et que nous nous fions au bon sens des gens, nous n’avons plus besoin de mesures restrictives. Les enfants et les jeunes ne contractent pas la maladie - les garderies et les écoles doivent être ouvertes. Il est irresponsable de les maintenir fermés afin que le moins de personnes possible transmettent l’infection au groupe à risque. Si on agit de la sorte, les coûts de la prévention des infections sont inévitablement répercutés sur les enfants et les parents de jeunes enfants, qui doivent en assumer les conséquences économiques. D’autre part, toute personne qui n’est plus dans l’obligation de travailler peut se protéger par elle‑même contre l’infection : les personnes du groupe à risque ne doivent pas faire leurs courses ni avoir de contact étroit tant que l’épidémie est en cours et qu’il n’y a pas de vaccin ou de médicament disponibles. Dans les maisons de retraite et de soins, des masques de protection peuvent et doivent être utilisés pour empêcher le virus de circuler. Mais là aussi, les bénéficiaires de soins devraient avoir le choix de préférer souffrir de la solitude ou d’accepter le risque de maladie et être autorisés à recevoir des visiteurs et à célébrer un événement. Cela peut nécessiter un certain effort d’organisation, mais doit demeurer possible.

Et quand tout est dit et fait : quel que soit le prix que nous sommes prêts à payer, nous mourrons un jour. La vie éternelle ne figure pas (du moins pas actuellement) sur la liste des options possibles.

* Service d’information sur le cancer

** Toutes les données proviennent de krebsdaten.de, statista.com et destatis.de et se réfèrent à la situation de l’Allemagne en 2017

*** Les nombreux décès en Lombardie suggèrent un taux de mortalité plus élevé. Toutefois, cela est probablement dû, entre autres, au fait que de nombreux foyers infectieux s’y sont déclarés dans des maisons de retraite et de soins. Afin de soulager les hôpitaux, les cas mineurs ont été placés dans des maisons de retraite. Le taux de létalité supposé ici résulte de l’étude dite de Heinsberg. Toutefois, comme on ignore le nombre de cas non détectés de personnes infectées, il est tout à fait possible que le taux de létalité soit encore inférieur à 0,3 %. Le taux de létalité de 0,3 % correspond à celui du navire de croisière Diamond Princess. Sur un peu plus de 700 personnes infectées, 7 en sont mortes, soit environ 1 %. Cependant, l’âge moyen y était de 60 ans, ce qui signifie que le taux de létalité pour la population totale est de 0,3 %.

Eva-Maria Weber-Schramm, présidente du tribunal (Vorsitzende Richterin) de district de Berlin (retraitée)

Traduit de l'allemand par Lola Soulier